Patrimoine industriel en Aquitaine (PiAq)

France > Nouvelle-Aquitaine

1-Le cadre de l'opération

Cette opération a été réalisée dans le cadre d'un projet de recherche développé en réponse à l'appel à projets Recherche lancé par la Région Aquitaine auprès des universités en 2010. Il a ainsi regroupé plusieurs acteurs autour de la Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine (MSHA), entité porteuse du projet devant durer 3 ans (septembre 2011-septembre 2014) :

-au sein d'un "pôle recherche" : des membres des laboratoires de l'Université de Bordeaux et de l'Université Bordeaux Montaigne (CEMMC, SPH, GREThA)

-au sein d'un "pôle inventaire" : le Service du patrimoine et de l'Inventaire d'Aquitaine (SPI), le Ministère de la Culture et de la Communication - Inventaire Général du Patrimoine Culturel, la mission locale d'inventaire du patrimoine scientifique et technique contemporain (PATSTEC) pilotée par le Cnam Aquitaine

-au sein d'un "pôle médiation" : l'Unité médiation du SPI, le CCSTI Cap Sciences, le Cnam Aquitaine, le master HPMS co-habilité par les universités de Bordeaux.

2- Problématique de départ

La problématique du projet s’inscrit dans la lignée des interrogations posées par les historiens de la période contemporaine et par les économistes qui ont cherché à comprendre les modalités de développement économique de la région Aquitaine. Elle s’appuie notamment sur les projets de recherche récents soutenus par la Région Aquitaine et développés à la MSHA sur les dynamiques de l’innovation.

Ces recherches ont montré :

-que si la région témoigne bien d’un rendez-vous manqué avec une première phase d’industrialisation basée sur la machine à vapeur et l’hydromécanique, d’autres voies d’expansion ont été pratiquées : raffineries, industries chimiques, aéronautique ; voies plus ou moins impulsées par l’État.

-qu’aujourd’hui l’Aquitaine se positionne notamment dans un processus que l’on peut qualifier de « revanche des Suds » et s’inscrit dans une Sun Belt européenne.

En bref, notre problématique de travail générale fut la suivante :

Face à une France du Nord-Est fortement industrialisée, le Sud-Ouest serait passé d’un soi-disant sous-développement industriel à une dynamique reposant sur les technologies de pointe, notamment au sein des pôles de compétitivité. Qu’en est-il réellement ? Quel est ce système local d’innovation si particulier qu’il ne semble avoir laissé de traces similaires à celles que l’on trouve dans le Nord-Est ? Quelles sont les racines des pôles de compétitivité ?

Ainsi, pour préciser ce système local d’innovation, nous avons tenté, et ce fut le cœur du projet, d’apporter une réponse issue du terrain, par le biais de l’inventaire du patrimoine industriel. Les traces de l’activité industrielle ainsi répertoriées (bâtiments, machines, objets techniques), et étudiées à la lumière des autres sources apportées par les historiens et économistes (archives, documents bibliographiques divers, cartes) ont permis de contribuer à mieux comprendre l’histoire industrielle des secteurs et des sites retenus.

Compte-tenu du temps dont nous disposions, nous avons retenus 3 thématiques principales et 3 aires d’études :

-thème 1 : le patrimoine de l’énergie dans l’estuaire de la Gironde et sur le site de Lacq

-thème 2 : le patrimoine industriel portuaire dans l’estuaire de la Gironde

-thème 3 : le patrimoine aéronautique/aérospatial dans toute l’Aquitaine

Cependant, la difficulté d’accéder aux sources archivistiques et aux sites gérés par le Grand Port de Bordeaux et, face à la proposition du Ministère de la Culture d’apporter un soutien à une publication des actes du colloque prévu sur le thème 1 – travail conséquent supplémentaire - il a été décidé par l’équipe projet d’abandonner le thème 2 pour ce concentrer sur les deux autres.

Notre rôle a donc été ici d’apporter un maillage fin de données par le biais de l’étude du patrimoine industriel datant de la seconde moitié du 20ème, sur les sites du bassin de Lacq et des entreprises régionales du secteur aéronautique/spatial/défense (ASD).

3 – Les résultats scientifiques

Le système local d’innovation qui se dessine à la suite de l’étude du bassin de Lacq et du secteur ASD est caractérisé par trois composantes :

-un système issu des secteurs rattachés à la seconde révolution industrielle, celle qui advient à la fin du 19ème siècle et qui est caractérisée par les sciences et techniques issues des laboratoires.

Tout au long du 20ème siècle, la production du secteur ASD a été stimulée par les avancées technologiques, à la fois sur les matériaux de constructions des aéronefs (bois, métal, duralumin, matériaux composites depuis les années 1970) et dans le secteur de la chimie des propergols (pour les missiles et engins spatiaux) à partir des années 1960. C’est le cas également pour le bassin de Lacq qui, grâce au développement des recherches en chimie, se caractérise par la production de matières plastiques et de produits soufrés issus du traitement des hydrocarbures.

-un système largement piloté par l’État sur la base d’atouts régionaux

Zone stratégique en temps de guerre, doté de larges espaces peu peuplés dans les Landes, le Sud-Ouest est un territoire propice au développement de l’industrie aéronautique et de défense. La région est également considérée dans les années 1960 comme sous-industrialisée et la Délégation à l'Aménagement du Territoire (DATAR) considère que la filière ASD peut y être développée de façon préférentielle. De plus, cette industrie est l’archétype d’une industrie largement encadrée par les institutions publiques, surtout des années 1930 aux années 1990, pour trois raisons : la vocation militaire, les cycles de production et d’usage qui sont singulièrement longs et les investissements particulièrement élevés. A partir des années 1990, s’opère cependant une transformation du rôle de l’État du fait de l’internationalisation des firmes et des privatisations qui s’accélèrent en parallèle de l’émergence d’une régulation au niveau régional.

De même, le bassin de Lacq est un bassin « programmé » et non spontané- c’est-à-dire uniquement lié à l’initiative privée dans un cadre capitaliste, ce qui est le cas surtout pendant la première révolution industrielle – car s’il est lié à la découverte d’un gisement, il s’intègre à la volonté politique d’aménagement du territoire et d’indépendance énergétique de la fin des années 1950. Ainsi, Lacq ressemble plus à ces bassins industriels programmés qui naissent durant l’entre-deux-guerres, mais aussi après la seconde GM, parfois dans le monde occidental, mais essentiellement en Europe de l’Est et plus particulièrement en URSS.

-un système dont la dynamique récente réside dans l’innovation et l’adaptation au toyotisme

Les conséquences de la mondialisation, de la financiarisation de l’économie et de l’épuisement du gisement local ont contraint les sites industriels étudiés à s’adapter. Le bassin de Lacq a réorienté toute sa production vers la chimie fine et de spécialité, secteur de pointe, au prix d’un intense effort en matière de R&D. Le secteur aéronautique, lui, illustre la transition du fordisme, caractéristique de la fin de la seconde révolution industrielle, à de nouvelles méthodes d’organisation du travail dérivées du toyotisme. Les principales conséquences de ces mutations sont la réduction de la main d’œuvre, des sites qui se débarrassent de tous les éléments externes (logements, etc.) et des bâtiments qui deviennent modulables.

4 – Les publications et les autres modalités de valorisation des résultats

4.1. Organisation d’un colloque international et publication des actes dans la collection nationale des Cahiers du Patrimoine

Suite à l’inventaire mené sur le bassin de Lacq pendant l’année 2012 et en partenariat avec le laboratoire IRICE de l’Université Paris 1, Laetitia Maison-Soulard a coordonné pour la MSHA l’organisation d’un colloque international sur l’histoire du bassin de Lacq. Tenu les 14 et 15 novembre 2012 à Mourenx, il a réuni des géographes, des économistes et des historiens, notamment ceux du Centre d’études des Mondes moderne et contemporain de l’Université Bordeaux Montaigne, membres de PiAq. La synthèse de ce colloque a fait l’objet de l’ouvrage suivant, publié dans la collection nationale du Ministère de la Culture et de la Communication :

MAISON-SOULARD, Laetitia, BELTRAN, Alain et BOUNEAU Christophe. Le bassin de Lacq : Métamorphoses d’un territoire, Pessac, MSHA, 2014, Coll. Cahiers du Patrimoine, n°105.

4.2. Les notices d’inventaire

4.2.1. saisies dans la base de données GERTRUDE au sein du service du patrimoine et de l’Inventaire

Conformément à la logique de constitution des dossiers d’inventaire, les données recueillies sur le terrain relatives au patrimoine immobilier ont été synthétisées site par site et associées à leurs photographies.

= 41 notices réalisées sur le bassin de Lacq et 27 sur le secteur ASD.

4.2.2. saisies dans la base de données PATSTEC au sein du Cnam Aquitaine dans le cadre de la mission nationale d’inventaire du patrimoine scientifique et technique contemporain piloté par le Musée des arts et métiers

Ici, ont été rédigées les notices relatives au patrimoine mobilier, c’est-à-dire les moyens de recherche instrumentaux mis au point dans les laboratoires de R&D en lien avec le secteur industriel.

= 30 notices réalisées à partir du patrimoine instrumental des laboratoires de l’Institut de Maintenance en Aéronautique (IMA), de l’ENSAM et de l’entreprise Rescoll.

4.3. Les expositions

4.3.1. Au cœur de Lacq. Fabrique d’un paysage industriel (2012)

Déjà présentée lors du colloque sur le bassin de Lacq, chez l’entreprise Arkema et à la MSHA, cette exposition photographique est accompagnée de courts textes résumant l’histoire du bassin de Lacq, sur un ensemble de 12 roll-ups.

Cf. http://inventaire.aquitaine.fr/documentation-et-ressources/expositions.html#c684

4.3.2. L’histoire nous a donné des ailes : le patrimoine aquitain de l’Air et de l’Espace (2014)

Conçue par les Dealers de science, association de filière du Master Pro "Médiations des sciences", spécialité professionnelle du Master Histoire Philosophie et Médiations des Sciences (HPMS), cohabilité par les Universités de Bordeaux et Bordeaux Montaigne. L'exposition présente les résultats de l'enquête menée sur l'histoire du secteur aéronautique-spatial-défense en Aquitaine et quelques objets phares du Conservatoire de l'air et de l'espace d'Aquitaine. Elle a été inaugurée dans le hall de la Région Aquitaine en avril 2014.

4.3.3. Le webdocumentaire « Air & Espace Aquitaine »

cf. : aero-aquitaine.org

Le webdocumentaire comprend trois parties : une carte interactive des principaux sites industriels du secteur ASD, une chronologie du développement industriel et un « catalogue » permettant de découvrir des produits et des instruments phares du secteur. Dans chaque partie, photographies, textes, vidéos, interviews, reconstitution virtuelle d’usine, permettent de se plonger au cœur de l’histoire des savoir-faire du secteur.

5- Conclusion : une étude pilote poursuivie sur le secteur aérospatial

Ce projet PiAq a montré l’intérêt de la collaboration entre universitaires et professionnels du patrimoine pour cerner l’histoire des sites industriels. Elle a permis, sur les deux secteurs étudiés, de mettre en lumière l’évolution des processus de production et leur originalité. Par ailleurs, grâce à la collaboration avec le service du patrimoine et de l’Inventaire et avec le master HPSM, de belles opérations de valorisation ont démontré le potentiel du patrimoine industriel en termes de médiation. Ce patrimoine est non seulement valorisable (par des visites in situ, par la photographie, par le reportage, via les objets techniques conservés) et en plus, il rencontre un public nombreux. Ce type d’initiatives permet donc favoriser la patrimonialisation et la reconnaissance des savoir-faire industriels aquitains.

Les nombreuses archives repérées au cours de l’enquête et partiellement exploitées, ont conduit à la poursuite de l'étude du patrimoine industriel du secteur Aéronautique/Spatial/défense, sur le territoire de l'ensemble de la Nouvelle-Aquitaine, entre 2014 et 2020 : cf. IA33004627.

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